Plusieurs raisons expliquent pourquoi les avocats conservent les dossiers de clients pendant un certain temps ou parfois indéfiniment après avoir terminé l’affaire du client. Certaines de ces raisons servent le client, alors que d’autres servent l’avocat.
Se défendre contre des allégations de faute professionnelle
Les avocats conservent les dossiers principalement pour répondre à des réclamations, notamment pour négligence, faites à leur encontre. Un dossier bien documenté peut contenir la preuve nécessaire pour réussir à se défendre de telles réclamations. Ceci est particulièrement important dans des situations où la preuve nécessaire pour une défense réussie ne peut être obtenue d’autres sources.
Les réclamations fondées sur la négligence ou sur une contravention au contrat contre un avocat peuvent être faites bien après que se soit produite la négligence ou la contravention au contrat alléguée. La Loi sur la prescription du Nouveau-Brunswick, LN-B 2009, c L-8.5, prévoit certaines échéances pour l’introduction de telles instances. La Loi contient un délai de prescription de base de deux ans qui court à partir du jour où les faits qui donnent naissance à la réclamation sont découverts et un délai de prescription ultime de quinze ans qui commence à compter de la date de l’acte ou de l’omission sur laquelle est basée la réclamation. Il est toutefois important de se rappeler qu’au Nouveau-Brunswick, certaines lois d’intérêt public ont leurs propres dispositions sur la prescription (p. ex. la Loi sur les accidents mortels), lesquelles doivent être prises en compte afin de déterminer la période appropriée de conservation des dossiers.
Les délais de prescription de base et ultime de la Loi sur la prescription sont assujettis à d’autres dispositions de la Loi qui ont pour effet de proroger les délais de prescription. Par exemple, l’article 17 prévoit que le délai de prescription « créé par la présente loi » ne court pas pendant toute période au cours de laquelle une personne ayant une réclamation est mineure. Toute personne « frappée d’une incapacité » est traitée d’une différente manière : voir l’article 18. L’article 16 contient des dispositions de sauvegarde qui entrent en jeu lorsque la personne contre qui est faite la réclamation dissimule sciemment l’existence d’une réclamation. L’article 4 traite des incompatibilités entre la Loi sur la prescription et d’autres lois publiques ou privées. Il est important de se rappeler qu’en cas d’incompatibilité avec une autre loi d’intérêt public, cette autre loi l’emporte : paragraphe 4(1).
Le programme d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau, administré par la Réserve pour la responsabilité professionnelle, encourage activement les avocats et avocates à s’assurer que les dossiers sont bien documentés et tenus conformément aux procédures de fermeture, de conservation et de destruction appropriées. Le fait de ne pas avoir de dossiers disponibles en cas de réclamation entraîne les conséquences suivantes :
- une capacité réduite à présenter une défense contre la réclamation, puisqu’il n’y a pas de preuve pour démontrer quels travaux ont été faits relativement à l’affaire du client ;
- un risque envers la réputation de l’avocat ou de l’avocate qui peut avoir à comparaître en audience publique afin de se défendre contre la réclamation sans dossier ;
- un risque accru de devoir payer la franchise et la surprime fondée sur l’historique des demandes, selon l’issue de la réclamation.
Bien évidemment, lorsqu’il déclare une réclamation en vertu du programme, l’avocat est tenu de coopérer avec la Réserve pour la responsabilité professionnelle dans le cadre de l’enquête et de la défense de l’affaire, notamment de produire le dossier du client, dans la mesure où il existe alors. Les avocats ayant une assurance complémentaire sont encouragés à consulter leurs assureurs complémentaires pour déterminer les exigences de ces derniers ou quelles sont les modalités de la police applicables.
Exigences légales
L’avocat ou l’avocate peut décider de conserver des documents d’un client dans un dossier afin d’aider le client à s’acquitter d’obligations prévues par la loi. Par exemple, la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.), énonce des délais minimums pendant lesquels doivent être conservés des registres comptables, notamment des pièces justificatives et des chèques.
Lorsqu’une affaire est achevée, l’avocat devrait remettre au client tous les documents originaux qui appartiennent à ce dernier à moins qu’ils aient été antérieurement fournis au client ou s’il en a été convenu autrement avec le client. Il n’est pas recommandé aux avocats de conserver les documents originaux ou biens reliés à l’affaire du client une fois celle-ci terminée.
Respect des exigences réglementaires
Les Règles uniformes sur les comptes en fiducie exigent que les avocats tiennent des livres ou des registres précis dans le cadre de leur système de comptabilité de bureau. Les avocats doivent conserver les registres et documents de comptabilité en fiducie pour les sept années précédant la fin de leur dernier exercice.
Usage futur
Enfin, les avocats peuvent conserver le dossier en vue d’un usage futur par eux-mêmes ou peuvent convenir avec le client de le conserver de sorte qu’il soit disponible pour usage futur par le client. Néanmoins, dans le cas où l’avocat et le client consentent à ce que l’avocat conserve le dossier, sauf dans des circonstances particulières, il sera normalement préférable que l’avocat conserve des copies papier ou électroniques des documents originaux du client, et que les originaux soient retournés, tel que mentionné ci-dessus, afin que la conservation des documents originaux demeure la responsabilité du client à qui ils appartiennent.